Laurent Chemla, figure historique de l’Internet français :
Dans mon vieux bouquin, j’avançais en hésitant une théorie balbutiante : Internet serait une étape normale de l’évolution d’une espèce (l’humanité) dont la survie est basée sur le transfert du savoir acquis, d’une génération à la suivante. Et lorsque la quantité de savoir à transmettre ne se satisfait plus des outils existants, alors il est temps d’en inventer d’autres, plus puissants.
Aujourd’hui, si je devais formuler la même thèse, je prendrais beaucoup moins de gants pour le faire : c’est une évidence.
La parole, la tradition orale, a longtemps suffit à notre évolution en tant qu’espèce. Quand elle est devenue insuffisante, nous avons inventé l’écriture. Quand l’écriture manuscrite a montré ses limites, nous avons inventé l’imprimerie. Et quand la masse des savoirs a dépassé la capacité des livres à les contenir et les transmettre, nous avons inventé l’hypertexte et le Web.
Chacun à leur tour, ces outils ont permis la démultiplication des compétences, et augmenté eux aussi le savoir global, rendant ainsi nécessaire l’invention de l’étape suivante.
C’est un continuum.
Le numérique, par l’ampleur des changements qu’il induit dans nos sociétés, va même encore au delà de l’invention de l’imprimerie. Il est selon moi d’une importance aussi grande que l’a été l’invention de l’agriculture, aussi grande que le passage de la taille de la pierre à l’age de bronze. Ce n’est pas juste un changement de société : c’est un basculement de civilisation.
Nous sommes passés à l’age du numérique, quand ceux qui croient nous diriger en sont restés à l’age du papier.